Il y a bien une volonté de la part du pouvoir de contrôler les médias.
Il y a bien eu de multiples alertes : De grosses rumeurs d'interventions dans la presse pour que des articles ne paraissent pas, une tentative d'influer sur le rachat du Monde pour qu'il soit entre des mains amies, des photos retouchées (sans intervention de l'Elysée, ce qui prouve que désormais l'autocensure fonctionne bien). Sans oublier évidemment la nomination directement par le chef de l'Etat des président de France Télévisions et de Radio France.
Tout cela avait créé un gros doute sur l'intention de Nicolas Sarkozy de contrôler les médias en les offrant à ses amis, Lagardère et consorts. Pour autant, cela avait surtout un arrière goût de gaullisme, une époque où l'information était non seulement contrôlée, mais écrite en partie de l'Elysée ou de Matignon.
Toutefois, il semble bien qu'avec l'affaire Bettencourt Woerth Sarkozy et les propos d'une violence incroyable nous soyons passé à autre chose. Depuis 3 ans maintenant, l'étrange proximité entre le pouvoir et le monde de l'argent laissait subodorer que les passerelles entre les deux n'étaient pas qu'idéologiques. Il a suffi d'un différend familial sur fond d'héritage et d'une équipe de journalistes compétents et courageux, pour que la suspicion se fasse jour.
Les insultes envers le journal Mediapart que l'on entend depuis trois jours, se sont déclenchées non pas à la publication des désormais fameuses écoutes téléphoniques, mais quand le président lui-même devenait clairement impliqué. Tout ce bruit, cette haine envers Edwy Plenel (qui rappelons-lerappelons-le était en première ligne sur le Rainbow Warrior), n'ont au final qu'un seul but, créer le discrédit envers la presse libre en général, et Médiapart en particulier. Notons au passage que les principaux vecteurs de révélations ces derniers temps, Médiapart, Le Canard enchaîné et Marianne, ne sont pas dans les mains de proches du pouvoir. Il s'agit donc à l'évidence non pas de contrôler la presse, mais d'empêcher la vérité d'éclater, ce qui est un peu plus subtil.
La haine et le mépris déversés ces derniers jours peuvent certes fonctionner un moment comme contre-feu, aux yeux d'une opinion qui n'aime pas les lynchages et qui est fatiguée de la faillite morale de toutes ses élites. Pour autant, ils participent à renforcer l'idée selon laquelle les propos publiés dans Médiapart sont vrais, et que ce pouvoir essaie avant de protéger un système que l'on pourrait qualifier de mafieux.
D'ailleurs, puisque l'on parle de mafia, le parallèle avec l'Italie est intéressant. Hier, toute la presse italienne s'est mise en grève, même les journaux de droite, pour protester contre une loi qui leur interdirait de publier le contenu d'écoutes téléphoniques. Soit exactement ce qui a permis l'éclatement de l'affaire Woerth. Or, de ce côté-ci de la frontière on peut le dire et le penser sans problème, il n'est pas grand monde pour croire que Silvio BerlusconiBerlusconi est complètement honnête et n'a pas maille à partir avec la mafia. Cette loi, comme beaucoup d'autres auparavant ne vise qu'à le protéger.
En France, nous n'en sommes pas encore là, même si la suppression du juge d'instruction est un premier pas dans ce sens. Toutefois, les propos de plusieurs ministres et leaders de droite (1) cette semaine ont de quoi inquiéter, tant il est évident que certains rêvent de museler les derniers espaces de libre expression qu'il nous reste.
(1) Sur ce sujet il s'agit de nuancer, les personnes de droite les plus violentes émanent directement des premiers cercles sarkozystes. D'autres, comme Alain Juppé, Jean-Pierre Rafarin ou Dominique De villepin, qui ont évidemment des arrière-pensées, mais aussi une certaine idée de la République, ont clairement nuancé ces prises de position.
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