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6 janvier 2010

Des quotas de boursiers pour les grandes écoles : la fausse bonne idée qui cache une vision rétrograde de la France.

Il y a une grosse polémique qui est en train de naître autour de l'idée de mettre en place des quotas d'élèves boursiers dans les grandes. A première vue, l'idée est généreuse puisqu'elle permettrait à des dizaines d'élèves à une scolarité que leur lieu de naissance ou de vie ne leur permet pas d'envisager. Ce système consisterait essentiellement à généraliser ce qui se fait avec succès à sciences-posciences-po. L'idée paraît d'autant plus attrayante que l'argument donné par les directeurs de ces grandes écoles pour s'y opposer est purement scandaleux. Selon ce qu'on peut lire dans la presse, ils considéreraient que l'entrée massive d'élèves boursiers ferait baisser le niveau de leurs écoles. En gros, les jeunes issus de milieux défavorisés sont forcément moins bons, du fait même de leur milieu social. C'est une vision pour le moins honteuse de la société.

Pour autant, les choses ne sont pas si simples, et il pourrait s'avérer au final que cette idée à l'apparente générosité corresponde de fait à une vision libérale de la société, une société à deux vitesses évidemment, avec d'un côté l'élite, et de l'autre le bon peuple, si possible ignorant ou le moins savant possible.

Curieux comme raisonnement pourriez-vous me répondre, puisque c'est au nom même de l'égalité des chances que le gouvernement promeut ce projet. Je vais tenter de m'expliquer.

Tel qu'il est, le système actuel d'entrée aux grandes écoles se fait par un concours anonyme, portant sur des matières générales (mathématiques, histoire, Français, etc.). On ne peut de fait faire plus égalitaire et plus juste comme système puisque chacun y a en principe sa chance à part égale. Sauf que dans les faits, ce n'est pas le cas, puisque les enfants d'ouvriers ou d'employés sont particulièrement peu présents dans les grandes écoles. La raison en est simple : l'écrémage a eu lieu avant.

Et c'est là qu'est toute la perversité du discours gouvernemental, puisque toute la politique mise en place au niveau du primaire et secondaire vise à créer une école à deux vitesses avec de vrais ghettos réservés à ceux qui n'ont pas les moyens de se trouver le collège ou le lycée public ou privé pouvant leur apporter une scolarité de qualité. La suppression de la carte scolaire, l'allègement des programmes en primaire, la suppression de certains enseignements en secondaire, tout va dans ce sens. Ce qui fait qu'en conséquence, les élèves de quartiers populaires, souvent boursiers, ont moins de chance de réussir aux concours d'entrées puisque leur bagage de départ n'est pas le même. D'ailleurs, souvent ils n'essaient même pas de s'inscrire tant l'idée que ces écoles ne sont pas pour eux est déjà bien ancrée dans leurs têtes.

D'où l'idée d'imposer des quotas. Ce qui d'un coup devient moins démocratique, et donne alors raison aux directeurs des grandes écoles, puisqu'en permettant à un grand nombre d'élèves issus d'établissements difficiles (faute de moyen et de volonté politique précisons-leprécisons-le), le niveau risque bel et bien de baisser.

Instaurer des quotas de boursier revient aussi à mettre en place de façon déguisée la discrimination positive, une des grandes idées de Nicolas Sarkozy. En effet, il faut le dire clairement, même si légalement cela ne peut être dit comme cela, mais les quotas en question, ce sont des quotas ethniques plus que des quotas sociaux, car quand on parle d'élève boursiers, on s'adresse en priorité aux enfants des cités, souvent fils ou filles d'immigrés, beaucoup plus qu'à ceux des collèges et lycées de zones rurales qui ont aussi bien peu de moyens et d'aussi grandes difficultés. Ce qu'on veut ici, c'est faire accéder à des postes de responsabilité, des minorités visibles, comme il est à la mode de le dire.

Mais surtout, le vrai problème, c'est la vision de la société qu'il y a derrière tout cela. D'un côté les fils de bonne famille, qui fréquentent les lycées cotés des grandes agglomérations et accèdent facilement à HEC, Khâgne ou polytechnique, puisque c'est le chemin naturel pour eux. De l'autre, la majorité, cette France de classes moyennes ou populaires, qui fait sa scolarité bon an mal an dans des établissements vétustes qui manquent de personnels et de moyens, pour finir dans des universités aux cursus aléatoires et qui sont de plus en plus livrées aux entreprises privées. D'un coté on forme l'élite, si possible issue des classes aisées, de l'autre un peuple corvéable et préparé à servir le grand capital. Au milieu on permet à quelques-uns d'accéder au graal, c'est à dire les grandes écoles, sous prétexte d'égalité des chances. Et pendant ce temps-là, que se passe-t-il ? On supprime des enseignants, on ferme des classes, bref, on détruit peu à l'Education Nationale, laquelle dans ce pays est la matrice de ce qu'il convient d'appeler une identité nationale.

L'instauration des quotas de boursiers, n'est pas une idée généreuse, elle n'est qu'un nouveau levier pour tromper le peuple et maintenir en l'état une société injuste, inégalitaire et violente. D'ailleurs, il est des signes qui ne trompent pas, le simple fait que cette idée soit soutenue par Alain Minc et François Pinault, les chantres du libéralisme économique le plus total, devrait suffire à nous alerter.

Un autre avis intéressant :

http://www.libert-fr.com/blog/post/2010/01/04/Et-pis-vl%C3%A0-on-nous-instaura-des-quotas...

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