Mais que font les syndicats ?
Après les importantes manifestations du 19 mars, nous étions nombreux à espérer que les syndicats donneraient une suite rapide au mouvement. Leur réunion dès le lendemain laisser d'ailleurs libre cours à cet espoir. Las, 4 heures de réunion pour décider qu'il était urgent d'attendre, tout juste se reverront-ils dans 10 jours.
Il y a bien évidemment derrière cette hésitation la volonté de maintenir l'unité syndicale coûte que coûte. Il faut bien reconnaître qu'elle a facilité le succès des journées de manifestation. Mais l'unité n'est pas une fin en soi, et ce n'est pas elle qui améliorera les conditions de milliers de Français, elle ne suffira pas non plus à mettre un frein aux abus du patronat, ni à contrecarrer des réformes contraires à l'intérêt public.
Tout le problème est là. L'unité se fait sur un accord minimal entre centrales syndicales car sur l'essentiel, elles sont en profond désaccord les unes avec les autres. Il n'y a pas d'entente sur les revendications, mais pas non plus sur les moyens d'actions. Il y a celles qui veulent favoriser la négociation, faire passer quelques avantages au risque de céder sur l'essentiel. Il y a celles qui sont beaucoup plus revendicatives et prônent une attitude beaucoup plus radicale.
Cependant, à l'exception de SUD, il y a au moins une chose sur laquelle elles sont d'accord : la crainte d'être débordées par les partis de gauche radicale qui poussent à l'affrontement. Les propos véhéments de Mr Chérèque envers Olivier Besancenot prouvent cette crainte.
Attention, parce que cette posture ambiguë présente de nombreux dangers. Le premier étant d'apparaître comme les garants d'un système dont visiblement beaucoup de Français ont compris les limites. Le second, de se couper définitivement des masses laborieuses. Il ne faut pas oublier que les syndicats sont faiblement implantés dans notre pays, et que leur situation est fragile. Le troisième danger vient du temps qui joue pour le gouvernement, plus les syndicats sont longs à la détente, plus le pouvoir en place occupe le terrain.
Jeudi dernier, il suffisait d'écouter les slogans, de lire les affiches pour comprendre que nous n'étions pas dans un mouvement social traditionnel. Les revendications sont clairement politiques. Ce qu'ont exprimés les millions de Français dans la rue, c'est tant un malaise social qu'une volonté d'en découdre avec un pouvoir que beaucoup, de plus en plus nombreux, exècrent. La grève du 19 mars était politique. Il s'agit d'un affrontement entre ceux qui veulent maintenir un système en place, la droite, le patronat, une partie de l'opposition, et cette part importante des Français qui ont compris qu'avec la crise nous avions changé d'ère. A trop tergiverser, à ne pas vouloir entrer dans ce combat, les syndicats prennent le risque de se retrouver dans le premier camp.