Polèmiques autour de la rentrée littéraire.
Cela devient une habitude, cette année encore, le landerneau littéraire parisien nous gratifie d'une polémique comme il en a le secret. Camille Laurens accuse Marie Darrieussecq de plagiat psychologique. Une nouveauté qui dans le cas présent réside dans le fait que Marie Darrieussecq aurait commis un roman racontant la douleur de la perte d'un enfant pour une mère. Expérience douloureuse qu'a vécu Camille Laurens, et qu'elle a racontée dans un précédent livre.
En temps normal, cette anecdote ne m'aurait pas intéressé, mais, je trouve qu'elle est symbolique d'un certain malaise de la littérature française, et plus largement, de notre société. D'autant plus qu'elle arrive en même temps que le procès fait à Mazarine Pingeot pour son roman inspiré de l'affaire Courjault.
Derrière ces histoires se cache une des questions fondamentales de la littérature, et que l'auto fiction remet en cause. Jusqu'où l'écrivain peut-il s'inspirer de la réalité ? En déniant à Marie Darrieussecq le droit de raconter quelque chose qui ne lui est pas arrivé, Camille Laurens va loin. Si on avait appliqué ce principe, quid de Truman Capote, ou de Zola, dont les romans s'inspirent tous de la vie réelle. Et pourtant, personne n'oserait prétendre que les ouvrages de l'auteur de l'Assomoir ne sont pas des oeuvres de fiction.
Pour moi, cette dérive est une des conséquences logique de l'auto fiction, laquelle est bien la fille de notre époque, où l'individu a pris le pas sur le collectif. En personnalisant à outrance les romans, en faisant de soi l'objet unique de leurs livres, en se racontant, certains en arrivent aujourd'hui à se croire propriétaires de leurs histoires. Cela voudrait dire qu'une des fonctions première de la littérature, c'est à dire raconter le réel, ne serait plus possible si l'auteur n'a pas connu la situation. C'est une véritable atteinte à l'imagination.
Il y a quelques temps, plusieurs écrivains avaient publié le "Manifeste des 44" (j'avais d'ailleurs fait un article à ce sujet, toujours disponible en rubrique culture), pour la défense d'une littérature-monde, et contre un certain nombrilisme. C'était avant les polémiques de la rentrée. Et plus que jamais, ils ont raison, la littérature doit recommencer à prendre le pouls de l'Humanité, sous risque de ne plus intéresser personne.