Les Etats-Unis ont un nouveau vassal.
Je vais contredire mon message d'hier, où j'annonçais qu'il n'y avait aucune rupture sur le fond dans la politique sarkozyste. Si j'estime que c'est absolument vrai en politique intérieure, cela n'est pas en matière de politique étrangère, car s'il est un domaine connaissant une modification radicale, c'est bien celui-là.
Le ministre des affaires étrangères a effectué une visite surprise à Bagdad, réaffirmant ainsi la volonté de la France de se repositionner aux côtés des États-Unis dans cette région du monde. On ne s'y est d'ailleurs pas trompé à Washington, où l'on s'est fortement félicité de l'initiative française.
Le voyage de Mr Kouchner aurait été impensable il y a à peine 6 mois. Mais il n'y a rien d'étonnant dans tout cela. L'actuel locataire du Quai d'Orsay a été un des rares à soutenir l'intervention américaine en Irak. Il est aussi l'un des tenants d'une politique d'ingérence humanitaire, qui à mon sens n'est rien d'autre qu'une forme moderne de la colonisation, et surtout un pis aller qui permet de se donner bonne conscience, sans poser au fond les vraies questions de la dette des pays pauvres, de la corruption endémique qu'ils connaissent, ou du soutien sans failles des grandes puissances à certaines dictatures.
Mais, Mr Kouchner n'a pas été nommé par hasard. Bien avant ses vacances dispendieuses et contestables outre-Atlantique, Mr Sarkozy avait déjà donné des gages d'allégeance aux États-Unis, lors d'un voyage et d'une première rencontre avec Mr Bush, où il critiquait vertement les prises de position chiraquiennes. Il n'était même pas encore candidat déclaré.
Tout cela se passe alors que la Grande-Bretagne, jusqu'ici tête de pont américaine en Europe, vient de changer de premier ministre, et semble vouloir prendre ses distances avec l'administration Bush. Le changement d'attitude de la France à son égard tombe donc à pic pour le président américain, et pourrait de fait de la France un nouveau vassal des américains. Il est clair que si Mr Sarkozy avait été président de la République en 2003, l'armée française serait actuellement en Irak.
Compte tenu dans la position de la France dans les pays arabes, et de sa relative neutralité dans les conflits du Moyen-Orient, la France prend désormais le risque de s'exposer à la menace terroriste qui l'avait depuis 2003 plus ou moins épargnée.
Cependant, d'autres présidents ont par le passé joué dans la cour américaine, notamment Mr Mitterrand lors de la première guerre du golfe. La vraie rupture est ici beaucoup plus avec l'idée que la droite que la droite gaullienne se faisait des relations franco-américaines. Jacques Chirac, dans son refus d'engager la France en Irak, mettait ses pas dans ceux du général De Gaulle. Ce n'est pas avec un supposé anti-américanisme que Nicolas Sarkozy rompt, c'est avec le gaullisme.