Alger la noire de Maurice Attia
L'histoire se passe à Alger en 1962. Les négociations sur l'indépendance de l'Algérie sont en cours. Le pays connaît une ambiance de guerre civile. L'OAS fait régner la terreur. C'est dans ce climat sordide que deux corps sont retrouvés nus sur une plage d'Alger. La jeune fille fait partie de la bourgeoisie algèroisealgèroise, le jeune homme, sans histoire, est d'origine maghrébine.
Dans cette période de troubles où une grande partie de la police semble avoir choisi le camp de l'OAS, aucune enquête ou presque n'est menée à son terme, surtout si une des victimes n'est pas européenne. Pourtant, les inspecteurs Martinez et Choukroun, tous deux neutres dans le conflit, décident de mener l'enquête. Et celle-ci va les mener à découvrir les histoires cachées de la bourgeoisie locale.
On l'aura donc compris, si l'intrigue et l'enquête ont aussi toute leur place, l'arrière-plan historique est primordial. Maurice Attia nous décrit la guerre d'Algérie de l'intérieur, mais, vue du côté Français, du moins les petites gens, les ouvriers, les fonctionnaires, les prostituées, et tous ceux qui avaient décidé de ne pas prendre parti.
On reproche suffisamment aux écrivains ou cinéastes français de ne pas se confronter à leur histoire, pour se réjouir qu'enfin il y en ait un qui le fasse, et de la plus belle des manières. A travers le personnage principal, Paco Martinez, abandonné par sa mère, fils de communiste espagnol tué par les anarchistes pendant la guerre civile, élevé par sa grand-mère, on comprend le désarroi profond et le sentiment d'abandon de toute une partie de la population. Avec son coéquipier, Choukroun, juif d'Algérie, sa maîtresse, modiste amputée suite à un attentat, Ernestine, prostituée au grand coeur, le légionnaire à la mémoire vacillante, c'est une galerie attachante de portraits qui dessinent en creux celui de l'Algérie de cette époque.
P S : Je précise que ce livre magnifique a reçu le prix Michel Lebrun, équivalent du Goncourt pour la littérature policière. En outre, il existe une suite, "Pointe rouge" que je commenterai bientôt, mais qui est tout aussi formidable.