La rupture dans la continuité en politique internationale
L'affaire des infirmières bulgares est assez symbolique du nouveau pouvoir exercé par Sarkozy. Beaucoup de communication, d'esbrouffe, voire de récupération, mais sur le fond, rien ne change, c'est toujours la politique des accords secrets et des ventes d'armes inavouables.
Tout a commencé par l'intervention de Mme Sarkozy. Alors que les négociations duraient depuis des mois, voire des années entre l'UE et la Lybie pour libérer les infirmières bulgares et le médecin palestinien, au moment où un accord semblait possible, la femme du président déboule et réussi le tour de force d'apparaître comme la personne qui a débloqué l'affaire, la libératrice. Là-dessus, Sarkozy enchaîne, annonce une visite en Lybie deux jours plus tard et récupère le tout à son compte. Il n'est qu'à voir la réaction allemande pour comprendre à quel point ce travail de récupération a été apprécié. Les prochains sommets européens promettent d'être un peu moins consensuels.
Je passe rapidement sur la visite du président de la République en Lybie. Elle a juste permis de se rendre compte que l'ouverture était bien un leurre, Kouchner ne sert strictement à rien, si ce n'est à justifier devant les députés des politiques que visiblement il ne semble guère approuvé. C'est une caution doublée d'une potiche.
Beaucoup plus importants que la visite en elle-même, ce sont les accords qui en ont résulté qui posent problème. Car il y a bien eu accord, ne nous leurrons pas, ce n'est pas la simple présence de Mme Sarkozy qui a poussé Khadafi a libéré les infirmières. Mais il s'agit de diplomatie internationale, et qu'il y ait eu des contreparties pour sauver des vies humaines n'est pas en soi choquant. Ce qui l'est, en revanche, c'est le contenu des accords, leur signification et surtout la négation de ceux-ci par les autorités françaises.
A priori (oui, parce qu'il quand même se méfier, dans cette histoire rien n'est officiel pour l'instant), la France fournirait la technologie nucléaire à la Lybie (pour dessaler l'eau de mer, quelle blague !), c'est à dire à un pays qui il y a encore peu de temps déclarait vouloir se procurer l'arme nucléaire. L'accord stipulerait aussi que nous vendrions des armes aux lybiens (du moins si l'on en croit le fils de Khadafi, dans une interview donnée au journal Le Monde.) De plus, apparemment les négociations auraient été effectuées avec le chef des services secrets lybiens, un homme qui a été condamné à la prison à perpétuité en France pour son implication dans l'attentat du DC10 d'UTA.
Ce que je pense de tout cela, c'est que les infirmières bulgares n'auront été qu'un prétexte, qu'au nom de l'humanisme et de la libération de ces pauvres femmes, on a réhabilité un des dirigeants les plus dangereux de la planète, on lui a vendu des armes, qui espérons-le ne se retourneront pas contre nous un jour ou l'autre. Mais peu importe, l'argent n'a pas d'odeur, tout cela est bon pour l'économie française, du moins c'est ce que l'on peut lire ici ou là sur de nombreux forums. Oui, mais jusqu'à quel point l'économie, et notamment la vente d'armes, doit-elle primer sur la morale et la politique.
En tout cas, une chose est sûre, s'il y a une rupture dans la politique internationale française, ce n'est pas en Lybie qu'elle commencera.