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12 mars 2015

Et si la poussée de l'extrême-droite d'aujourd'hui était inscrite dans la fin de la seconde guerre mondiale ?

Ca y est vous dites-vous, il est devenu tellement obsédé par le Front National qu'il atteint désormais le point G (ce moment où une conversation, une argumentation finit toujours par déboucher sur la seconde guerre mondiale) dès le titre de son billet. Peut-être ! Mais ce que je propose pour une fois, c'est juste de se retourner un peu sur le passé et de faire un peu d'histoire.

Ce qui caractérise la France de 1940 par rapport à la plupart de ses voisins, c'est qu'elle ne connaît pas de régime fasciste, contrairement à l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne. Or, quand le maréchal Pétain prend le pouvoir par un coup de force institutionnel en juin 1940, tout indique alors, et les 4 années qui suivront ne le démentiront pas, que nous sommes bien face à une pratique fasciste du pouvoir : création de milices, dérive autoritaire, lois antisémites, rejet de la modernité, etc. Tous les attributs du fascisme ou presque sont là. Pourtant, le régime de Vichy n'est jamais, dans aucun livre d'histoire, ni aucun livre tout court, qualifié comme tel. Quand on parle du régime politique en France entre 1940 et 1944, on parle du "régime de Vichy". Les qualificatifs d'extrême-droite ou de fasciste ne sont jamais utilisés. Si bien qu'en 1944, lorsque le maréchal Pétain est défait et fuit en Allemagne à Sigmaringen, le Général de Gaulle prend le pouvoir et instaure un gouvernement d'union nationale. Cette union est très large, puis une fois passés les remous de la libération et de l'épuration qui s'ensuit, c'est une chape de plomb qui sera posée sur les agissements collaborationnistes de certains politiques ou grands commis.

Ainsi, la France a été fasciste, mais il ne faut pas le dire : elle se reconstruit ! Dans ces premières années d'après-guerre, il faut dire que les Français ont bien d'autres chats à fouetter que de faire leur propre introspection sur ce qu'ils ont fait (ou pas fait) pendant les années d'occupation. Il faut d'abord penser à survivre, puis vivre et enfin prospérer car les trente glorieuses approchent, avec leurs lots d'espoirs et de fantasmes. Il est alors facile de remiser ces années noires aux oubliettes. Le couvercle que l'on a mis dessus est bien solide, bien arrimé. Il faudra des années pour qu'enfin on daigne regarder, un peu, ce passé en face (enfin, disons de biais !). Il aura fallu presque 30 ans pour que Marcel Ophuls bouscule la France avec "Le Chagrin et la pitié" et  lui rappelle qu'elle n'a pas fait que résister, qu'elle a aussi (enfin certains Français) collaboré. Et les ouvrages, les films, sur ce sujet ne seront pas pléthore avant longtemps. Les intellectuels de ce pays ne prendront jamais la question à bras le corps. Celle du nazisme et de sa logique oui, celle du totalitarisme, assurément, celle du fascisme en France, jamais ou presque.

Pourtant, ces milliers, ces centaines de milliers de Français, voire ces millions qui en juin 1940 se sont réjouis de la prise du pouvoir par Pétain, qui l'ont soutenu pendant ces 4 années et sont parfois allés pour quelques uns jusqu'à le suivre dans sa retraite en Allemagne, ces Français ne sont pas morts avec la fin de la guerre, ils n'ont pas disparus avec l'épuration. Ils se sont tus, ont attendus des jours meilleurs.

Il faut dire que les années d'après-guerre n'étaient pas porteuses pour les réactionnaires ou les conservateurs les plus stricts. Les cendres du nazisme étaient encore fraîches, la Shoah dans toutes les têtes. Seulement voilà, il fallait réconcilier le pays, alors en France, contrairement à l'Allemagne, il n'y a pas eu de dénazification massive (peut-être, pour la France faudrait-il parler de dépétainisation ?). On a du passé fait table rase, remis en selle certains parmi les pires bouchers (n'est-ce pas Mr Papon ?). Il faut dire que l'ennemi n'était plus brun mais rouge, et pour combattre ce farouche adversaire, on avait besoin de tout le monde, et on n'était pas très regardant sur les CV.

Alors, pendant trente ou quarante ans, le sujet a été tabou. Pourtant, ils étaient là les collabos, les fachos de la première et de la dernière heure. Toujours parmi nous, avec parfois des convictions intactes. Ils ont juste attendu que le temps fasse son office, que les années glorieuses passent et que viennent le temps des crises économiques si propices aux discours de haine, à la tentation du bouc-émissaire et au rejet de l'autre. C'était la fin des années 80, le début des années 90, la France se regardait enfin en face avec les grands procès (celui de Barbie, celui de Papon), mais il était trop tard, la bête immonde était sortie de sa boîte, parce que la France avait refusé de la tuer dans l'oeuf au sortir de la guerre. Depuis, grâce à une classe politique désidéologisée,  incompétente et parfois corrompue, grâce à la complicité des milieux médiatiques et économiques, elle n'y est plus rentrée dans cette boîte qu'elle n'aurait jamais dû quitter et prospère plus que jamais, tant et si bien qu'elle est aux portes du pouvoir, et que le fascisme de demain, si fascisme il y a, pourrait bien cette fois-ci ne pas oublier la France pour de bon.

 

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