Elections européennes, beaucoup de perdants et un seul vainqueur : Ségolène Royal !
Beaucoup de choses ont été dites sur les résultats des dernières élections européennes. Et en ce qui concerne le scrutin français, la plupart des commentaires s'accordent sur les mêmes choses : débâcle du PS et du MODEM, victoire de l'UMP, échec de la poussée de la gauche radicale.
Il me semble surtout que les choses sont un peu plus compliquées que cela, car au-delà des scores des uns et des autres, le vrai fait marquant, c'est l'abstention record. Quelle signification peut-on vraiment donner aux résultats quand près de deux électeurs sur trois ne se sont pas déplacés ? Les raisons de cette abstention sont multiples, et je n'ai pas l'intention d'en débattre dans ce message. Cependant, la faiblesse du nombre de votants relativise fortement la victoire de l'UMP, d'autant plus qu'il est acquis que la droite a su mobiliser son électorat plus fortement que la gauche.
L'UMP a donc gagné les élections, puisque pour une élection à un tour, c'est la liste arrivée en tête qui remporte le plus de sièges. Est-ce pour autant un succès électoral ? Le premier parti de France fait avec 28 % quasiment le plein des voix de droite, ce qui veut dire que pour une élection à 2 tours, la droite dispose de peu de réserves. Et même si on ne peut préjuger à l'avance de ce que feront les électeurs écologistes ou centristes lors de la présidentielle, c'est bien l'antisarkozysmel'antisarkozysme qui tient lieu d'élément commun aux leaders de tous ces partis. De plus, s'il est vrai que la droite l'emporte dans toute l'Europe, c'est en France qu'elle obtient son score le plus faible. Certes, l'UMP peut se targuer d'un excellent score, mais ce qui l'attend surtout, ce sont des lendemains électoraux difficiles qui sont inscrits dans les résultats de ce 7 juin.
La victoire des verts, plus évidentes est toutefois elle aussi à relativiser. Les écologistes ont déjà par le passé réalisé des coups électoraux, qui n'ont jamais eu de lendemains, rappelons nous les régionales de 1992 ou les européennes de 2004. En outre, le succès de leurs listes doit autant au charisme des leaders (Cohn-Bendit, Bové, Joly) qu'à la volonté des Français d'envoyer un message aux centristes et aux socialistes. Ceux qui aujourd'hui croient qu'il y a une adhésion forte des Français au vote écologiste risquent d'en être pour leurs frais lors des prochains scrutins.
Avant de passer aux grands perdants que sont le PS et le MODEM, je voulais dire un mot de la gauche radicale. Certes, le résultat du Front de gauche est honorable, mais constitue quand même un échec puisqu'il n'améliore presque pas le score de 2004 obtenu par les seuls communistes. En outre, à mon avis, le PCF vient de sceller son acte de décès, Mélenchon ayant opérer une véritable OPA sur le parti, qui n'existe plus par lui-même. Quant au NPA, les 5 % sont nettement en-deçà des espérances, cependant, il s'agit d'un doublement du résultat de 2004, réalisé lui en alliance avec LO. De plus, l'électorat jeune et ouvrier, fer de lance de la gauche radicale s'est abstenu massivement. Le NPA sait aujourd'hui qu'il a encore du travail devant lui, mais qu'il a un vrai potentiel électoral, contrairement au PCF dont les électeurs plus âgés se sont apparemment mieux mobilisés.
J'en viens aux deux grands malades de ce scrutin le MODEM et le PS. Pour le parti de François Bayrou, les derniers jours de campagne ont permis de lever une imposture : le leader centriste n'est mué que par une seule ambition : la sienne. Les Français ont enfin pu voir qui il était réellement : le même autocrate que le personnage du président qu'il pourfend pourtant à longueur de discours. L'échec du MODEM n'est pas dû à son programme ou à sa campagne ratée, il le doit à la personnalité de son président qui aura bien du mal cette fois-ci à s'en relever.
Les données sont très différentes en ce qui concerne le parti socialiste. Rejet du libéralisme, pouvoir exécutif discrédité : tout porter à penser que le succès serait là pour le parti de Martine Aubry. Ce ne fut pas le cas. Les électeurs, et particulièrement les abstentionnistes ont sanctionné les divisions et les combats d'arrière-cour ainsi que l'absence de programme. Ce sont aussi les contradictions du parti qui ont été rejetées, celles qui notamment conduisent les dirigeants à clamer haut et fort leur refus du libéralisme et à voter dans le même temps le traité de Lisbonne. Pour autant, Le PS a déjà connu des échecs similaires, et s'en est toujours remis. Surtout que dans le cas présent, il semble évident que les Français attendent que ce parti redevienne le vivier intellectuel qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être.
Cependant, au Parti Socialiste, où rien n'est jamais simple, il apparaît que cet échec n'en est pas un pour tout le monde. Depuis le congrès de Reims, tout a été fait pour écarter Ségolène Royal de la direction du parti. Cet échec est celui de Martine Aubry et de tous les éléphants mais n'est pas le sien. En se maintenant à distance pendant la campagne, en apparaissant comme rassembleuse depuis, elle devient peu à peu le recours évident du PS pour 2012. Les jeux ne sont pas encore faits, mais Ségolène Royal en restant au-dessus de la mêlèe prospère sur les divisions des autres. De plus, avec l'effondrement du MODEM, la question des alliances qui était pour elle une véritable épine ne se pose plus, quand à la concurrence annoncée du NPA, elle n'est pas encore très virulente. En restant à l'écart des jeux politiciens, en continuant à faire entendre à intervalles réguliers sa petite musique sur les sujets internationaux ou économiques, Mme Royal se rend de plus en plus incontournable. Le grand vainqueur de ce scrutin, c'est elle.