L'affaire Rouillan pour déstabiliser Besancenot ?
Le NPA, notamment grâce à la présence de son porte-parole très populaire, Olivier Besancenot, a le vent en poupe. Je pense d'ailleurs que cette montée en puissance, si elle n'a pas été favorisée par l'Elysée est au moins vue d'un bon oeil : tout ce qui peut nuire au PS, plaît à Nicolas Sarkozy.
Seulement voilà, avec la crise économique, les propos de Besancenot ont encore plus de poids et de force. D'un seul coup, ses dénonciations deviennent concrètes, et ses attaques contre le capitalisme sonnent encore plus juste aux oreilles des classes populaires, premières victimes de la crise. De gentil trublion, tout juste bon à empêcher le PS de revenir au pouvoir, le gentil facteur gêne au plus haut niveau désormais. Devant l'effondrement patent du système capitaliste, il devient urgent de colmater les brèches et de décrédibiliser tous ceux prônent d'autres alternatives.
Et c'est ainsi que Jean-Marc Rouillan est utilisé par la presse et les hommes politiques de l'UMP comme du PS (ils ont pour une fois un intérêt commun), pour dézinguer Olivier Besancenot, et à travers lui son futur parti.
Jean-Marc Rouillan faisait parti d'Action Directe, ce groupuscule d'extrême-gauched'extrême-gauche, partisan de la lutte armée et condamné pour les assassinats de René Audran, directeur des relations internationales au ministère de la défense, et de Georges Besse, PDG de Renault. Après plus de 20 ans de prison, il bénéficie d'une semi-libertésemi-liberté sous condition de ne pas s'exprimer sur les affaires pour lesquelles il a été condamné. En juin, il adhère à un comité NPA, celui des Bouches du Rhône, et rencontre Olivier Besancenot. Cependant, il donne une interview à l'Express, et il lui est reproché de tenir des propos sur ses affaires. Il retourne donc en prison.
A partir de là, la machine médiatique s'emballe, revient sans cesse sur le soutien d'Olivier Besancenot à Jean-Marc Rouillan, allant même jusqu'à prétendre que le NPA serait partisan de la lutte armée, voire de l'action terroriste. Il n'en est évidemment rien, Besancenot et la LCR ont toujours condamné les méthodes d'Action Directe, ils défendent seulement le droit de Jean-Marc Rouillan à avoir une vie militante puisqu'il a purgé sa peine. Invité ce matin sur France Inter, Besancenot a étè contraint de passer de la moitié de l'interview sur ce sujet, comme si ce qu'il avait à dire sur les salaires, les licenciements, les profits du patronat n'était que secondaire.
Tout cela sent évidemment le piège à plein nez, l'ancien activiste d'extrême-gauched'extrême-gauche n'est utilisé ici que pour déstabiliser le futur NPA. Il faut bien dire que faute de pouvoir le faire sur le terrain politique ou sur celui des idées, on essaie désormais de le faire sur celui de la morale. (Au passage, je remarque qu'aux Etats-Unis, les Républicains en mauvaise posture utilisent les mêmes arguments pour déstabiliser Obama).
PS : les propos reprochés à Rouillan sont les suivants : "Je n'ai pas le droit de m'exprimer là-dessus... Mais le fait que je ne m'exprime pas est une réponse. Car il est évident que si je crachais sur tout ce qu'on avait fait, je pourrais m'exprimer. Par cette obligation de silence on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique."
Alors d'accord, les mots exuses, regrets et pardon ne figurent pas, ce qui est normal puisqu'il n'a pas le droit de s'exprimer sur les affaires. Mais peut-on considérer qu'il a parlé de ses condamnations. Non, évidemment non si on sait lire. Il se contente de faire remarquer l'utilité que certains peuvent trouver à son obligation de silence. En tout cas, c'est la lecture que j'en fait.
PS 2 : Un bon article sur le sujet, même s'il ne défend pas tout à fait le même point de vue que moi :
http://acide-critique.over-blog.com/