Nouvelle remise en cause des 35 heures.
On peut dire beaucoup de choses sur les 35 heures, comme le fait qu'elles aient été parfois mal négociées par des syndicats souvent faibles dans certaines branches, qu'elles ont fait entrer le loup de la flexibilité dans la bergerie, qu'elles ont probablement contribué à un gel des salaires, en particulier les plus bas, mais il faut quand même reconnaître qu'elles ont pour beaucoup de salariés été un vrai progrès. Elles ont amélioré la qualité de vie de nombreuses familles, contribué à relancer la machine économique par le biais du tourisme et des loisirs. Elles ont surtout considérablement changé les mentalités, car désormais pour de nombreux cadres, le travail n'est plus le seul horizon.
Et tout cela, évidemment la droite ne le dit pas quand à intervalles réguliers, elle remet en cause les 35 heures. Elle ne dit pas non plus que de nombreux patrons en sont satisfaits, et parce que dans leurs entreprises les accords ont parfois été âpres à signer avec les syndicats, et que la réduction du temps de travail a souvent apporté un bien-être aux salariés, et même parfois amélioré leur rendement, ils n'ont absolument aucune envie de les remettre en cause.
De toute évidence, la droite sait cela. Mais il ne faut pas se leurrer derrière la remise en cause des 35 heures, il n'y a aucunement le souci de faire progresser l'économie des entreprises, ou encore celui d'améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs. Non, le discours de la droite est purement idéologique, et son ambition va bien au-delà des 35 heures, elle veut purement et simplement la durée légale du travail.
En effet, quand Mr Devedjian parle d'accords négociés dans toutes les entreprises, c'est bien de cela qu'il s'agit. Car si chaque société a ces propres règles en matière de temps de travail, peut faire travailler ses employés 35, 39 ou 48 heures, en fonction de ce qu'elle aura réussi à obtenir des syndicats locaux, un nombre d'heures de travail fixé par la loi pour tous n'a plus aucune raison d'être.
Et ce projet est doublement pervers, puisque s'il n'y a plus de durée légale, il n'y a plus non plus de seuil fixé par les heures supplémentaires (sauf s'il est négocié dans les entreprises, mais quand on connaît la faiblesse des syndicats dans le privé...). Ce qui de facto rend caduque l'idée de travailler plus pour gagner plus. Seul le patron gagnera plus. L'employé, lui, travaillera plus.
En outre, le deuxième danger de ce projet sera d'introduire une sorte de dumping social vers le bas. On pourrait se retrouver avec des chantages du type de ceux que l'on voit déjà dans certaines entreprises : si vous n'acceptez pas de travailler plus sans heures supplémentaires, on dé-localise.
Les 35 heures étaient incomplètes, avaient beaucoup de défauts, mais étaient une formidable avancée sociale. Leur suppression totale, elle , serait un recul de plusieurs dizaines d'années sur le plan des acquis sociaux.